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VOLTAIRE.

trement et le conflit des autorités, l’intolérance qui condamnait les protestants au concubinage ou à l’hypocrisie, et qui envoyait leurs pasteurs aux galères, la multitude des privilèges et des règlements qui se tournaient en vexations et en misère pour la masse du peuple : — si nous appliquons là-dessus les réformes de Voltaire, et que nous introduisions dans cette France de l’ancien régime, qui reste catholique et monarchique, la tolérance, la liberté de la presse, l’impôt proportionnel, l’unité de législation, la réforme de la procédure criminelle, le clergé soumis et salarié, l’assistance développée, les principes de gouvernement pacifique et libéral, d’administration appliquée, honnête, et uniquement soucieuse de favoriser la prospérité publique : — alors nous comprendrons la portée de la transformation que la critique de Voltaire opérait, et combien il s’en faut qu’elle ait été négative, et timide. C’est toute une autre France qu’elle dégageait de l’ancien chaos féodal et monarchique, romain et ecclésiastique, anarchique et tyrannique : une France bien moderne, quelque chose, sous le très chrétien Bourbon, comme ce qu’a été notre pays aux minutes pacifiques du Consulat ou du second Empire. Plus justement encore, la réforme voltairienne est, dans ses lignes principales, aux Chambres près, le dessin de la France bourgeoise de Louis-Philippe. C’est celle qu’on eût vu sortir, si Turgot avait pu rester vingt ans au ministère, et faire ce qu’il voulait. Voltaire a été, en gros, le journaliste de l’œuvre dont Turgot était l’homme d’État.

On se tromperait d’ailleurs sur l’esprit de Voltaire, si l’on croyait que ses vues n’allaient pas au