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LA PHILOSOPHIE DE FERNEY.

une verve infatigable, tour à tour sarcastique et indignée, auxquelles il s’efforça de convertir la raison et l’humanité du public.

Leur ensemble ne fait pas une belle construction, philosophique qui se développe dans l’abstrait, pour la gloire de l’esprit humain. C’est une série de corrections, de réparations du vieil édifice social, qui ne peuvent se juger séparées de la réalité où elles s’appuient. Voltaire se demande quelles retouches exigent dans chaque partie du gouvernement et de l’administration les sentiments de liberté, d’égalité, d’humanité qui composent à ses yeux la conscience sociale et la raison de son temps.

Nous sommes tentés aujourd’hui de méconnaître et de rapetisser l’importance de cette critique, parce qu’elle n’est pas organisée en système, et parce que la plupart des réformes qu’elle indique ou sont réalisées depuis longtemps, ou bien ont été déclassées, dépassées par l’évolution de nos institutions et de nos mœurs. Les contemporains savaient gré à Voltaire de cette précision réaliste qui désignait les améliorations actuellement possibles dans toutes les parties du corps social.

Et si nous voulons y penser un peu, si nous nous représentons la France du roi Louis XV, avec le despotisme capricieux de son gouvernement, la cour égoïste et gaspilleuse, les grands corps, magistrature, clergé, plus soucieux de leurs privilèges que du bien général, le désordre des finances et l’absurdité oppressive du système fiscal, l’énormité scandaleuse des revenus ecclésiastiques, et la misère des curés de paroisse, le chaos des lois, l’enchevê-