Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
188
VOLTAIRE.

générale. La justice criminelle est atroce, absurde, aveugle, encore embarrassée d’idées théologiques ; elle frappe au hasard ; dure aux petits, elle laisse échapper les grands coupables.

Il ne faut punir que les délits qui atteignent les hommes et blessent l’ordre social. L’offense à Dieu, sacrilège, sorcellerie, suicide, hérésie ou sodomie, n’est pas du ressort de la justice. Il faut définir avec soin les cas de répression légale, distinguer les délits des crimes, proportionner les peines aux délits, et ne pas abuser des galères ni surtout de la mort. Il faut ôter au supplice de la mort les raffinements de cruauté dont on l’a enrichi. Il faut que la peine soit personnelle, et ne pas l’étendre à une famille innocente par des confiscations de biens, ou autrement.

La procédure méconnaît tous les droits de la personne humaine. L’accusé ne doit pas être traité en coupable. On ne doit pas emprisonner à la légère des innocents pour les relâcher après de longs mois, flétris, ruinés, sans indemnité aucune. Suppression des monitoires, qui ne font appel qu’aux témoins à charge et excitent la délation. Suppression de la torture. Suppression dès procédures secrètes. Il ne faut ni intimider ni écarter les témoins. L’accusé doit être confronté avec les témoins. Il a droit d’être assisté d’un avocat, au criminel comme au civil.

Il faut renoncer au système barbare et puéril des demi-preuves, des quarts de preuve, à cette addition d’incertitudes dont on composait une certitude légale. Il faut motiver les arrêts au criminel comme au civil.

Voilà, bien sèchement, le tableau des réformes que Voltaire, pendant vingt années, demanda avec