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LA PHILOSOPHIE DE FERNEY.

seuls ont une patrie qui, possédant quelque chose, se sentent des intérêts communs, et interviennent d’une manière ou d’une autre dans la gestion de ces intérêts communs. Il croyait que, dans de grands États, il y avait encore des millions d’hommes qui n’avaient point de patrie.

En principe, il voudrait faire de l’instruction publique une fonction de l’État. Mais en pratique, il accepte la liberté, c’est-à-dire l’Université et les congrégations sous le contrôle de l’État.

Il ne croit pas possible ni désirable que le peuple soit instruit[1] : qui ferait les besognes rebutantes et dures ? Mais il restreint le peuple à la dernière classe des manœuvres. Il veut, par l’enseignement, élargir l’ordre moyen ; il souhaite que les manufacturiers, les artisans, un maçon, un charpentier, un forgeron, que les cultivateurs soient instruits, éclairés, qu’ils voient au delà de leur métier et connaissent les intérêts publics. L’école ainsi sera essentiellement l’école du citoyen.

Voltaire ne veut pas séparer l’Église de l’État. Son idéal est le régime anglais : en France, c’est le catholicisme qui sera la religion de l’État mais l’Église sera subordonnée au pouvoir civil et respectueuse de la loi civile. Suppression de la juridiction romaine et de toutes les taxes payées à la chancellerie romaine. Les biens ecclésiastiques seront soumis à l’impôt, comme ceux de tous les autres citoyens. L’État aura la surveillance de ces biens, et inter-

  1. Il entend l’instruction, comme nous dirions, secondaire, celle qui mettrait à même de lire « les meilleurs chapitres de l’Esprit des Lois ». Il ouvrit une école primaire à Ferney.