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VOLTAIRE.

citoyens d’avoir accès à la propriété ; mais point d’égalité des biens. 6o Liberté du travail, et de vendre son travail au plus offrant : le travail est la propriété de ceux qui n’en ont pas.

La propriété confère l’obligation de participer aux charges publiques et le droit de participer aux affaires publiques. En France, dans l’état actuel, la bourgeoisie éclairée gouverne les grands et les petits, et dispose de la force de l’opinion. D’ailleurs il n’y a point d’autre garantie de la liberté que la volonté des gouvernés. On est libre quand on veut, et tant qu’on veut[1].

Il est inutile de rappeler que Voltaire hait la guerre. Mais il doute qu’elle disparaisse si tôt de l’humanité. Il faut donc des armées. La meilleure serait une milice : une armée de métier et permanente est toujours une tentation de conquête extérieure ou une menace à la liberté du peuple. Puisqu’il est impossible actuellement de s’en passer, il faut la réduire aux besoins de la défensive : c’est folie de se ruiner sous le prétexte de se conserver. Avec cinquante mille soldats mariés, bien payés, qui seraient retraités à cinquante ans avec demi-solde, la France aurait l’armée qu’il lui faut, avec le minimum d’inconvénients.

Le patriotisme, au xviiie siècle, n’avait rien à voir avec la guerre et l’armée. Voltaire était patriote, comme Montesquieu et comme Rousseau, parce qu’il s’intéressait au bien public. Il attachait la patrie, à la manière anglaise, à la liberté et à la propriété, liberty and property ; et il lui semblait que ceux-là

  1. Cf. plus haut, p. 151.