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VOLTAIRE.

consentement provisoire à la foi populaire. Il accepte cette croyance, dont la fausseté n’est pas démontrable, et qui est actuellement utile pour la société. Il n’en use pas pour lui, et il admet que, dans l’avenir, des générations éclairées s’en passeront.

Dieu n’est vraiment nécessaire à la morale que comme fondement, non comme sanction. D’ailleurs, tout le service que lui demande Voltaire, est de garantir que le sentiment moral de justice et de bienveillance pour le prochain appartient à la vraie nature de l’homme, telle qu’elle a été divinement formée, et de répandre un peu du prestige de son nom sur les efforts parfois pénibles que la moralité exige. La morale est divine ; cela veut dire pour lui qu’elle est naturelle. D’ailleurs la morale que Voltaire construit sur cette base, n’est à aucun degré religieuse. Dieu n’y a pas de place. Il ne donne pas de commandements : la morale n’est pas révélée. Divine comme la raison, elle se dégage lentement comme elle, dans l’humanité et dans l’individu, des instincts inférieurs. L’homme sort de l’animalité par sa seule activité, sous la pression des circonstances. Comme il n’y a pas de commandements, il n’y a pas de grâce : prier est inutile. La seule prière est la soumission. Dieu n’est pas objet d’amour. Il ne se communique à l’homme que par l’inexorable nécessité des choses Dieu est une loi qu’on connaît et à laquelle on s’adapte.

Il n’y a pas de devoir qui ait rapport à Dieu. Il n’y en a pas davantage qui oblige l’être moral envers lui-même. Il n’y a de devoir que social ; toute vertu est un rapport d’homme à homme. On ne peut être coupable qu’envers l’homme.