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LA PHILOSOPHIE DE FERNEY.

La pure métaphysique ne l’occupe guère : c’est une partie négligeable dans son œuvre des vingt dernières années. Seules l’intéressent la religion et la morale, et il ne prend de la métaphysique que ce qui en est inséparable. Elle est pour lui le domaine où il n’est guère possible que d’ignorer : le vrai philosophe est le Philosophe ignorant. Il a résolument éclairci ses hésitations sur la liberté, et le voici maintenant tout déterministe, à la manière de Collins. Il ne sait plus rien de l’âme : ce n’est sans doute qu’un mot abstrait.

Il est déiste obstinément, chaleureusement, gravement : déiste contre les dogmes absurdes des religions intolérantes, déiste contre les négations dangereuses des athées téméraires. Il combat d’Holbach en ses dernières années plus que la Sorbonne.

À vrai dire, il évite d’éclaircir jusqu’au fond son idée de la divinité : toutes les fois qu’il essaye de la préciser, il tend au panthéisme ; et il s’abrite derrière Malebranche plutôt que se compromettre avec Spinoza, dont la rigueur systématique et l’abstraction d’ailleurs le rebutent. Le monde est éternel et nécessaire. Dieu y est partout, comme la gravitation. Dieu fait tout en nous ; « il y a du divin dans une puce[1]. » Il ne réduit plus son Dieu comme autrefois à l’office de vérité première de la physique, mais il en fait le fondement de la morale.

On a bien des fois cité sa formule du Dieu rémunérateur et vengeur, qu’il a répétée en cent endroits de ses ouvrages. Elle n’est pourtant chez lui qu’un

  1. Art. Idée.