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VOLTAIRE.

auprès des Provinces-Unies (septembre 1713), emmena le jeune Arouet parmi ses pages. À La Haye vivait une réfugiée, Mme Dunoyer, aventurière qui se piquait d’écrire, et mère d’une fille jolie et délurée. Olympe Dunoyer — Pimpette pour les amis — fort brusquement quittée par l’ancien chef des Camisards, Jean Cavalier, qu’elle avait dû épouser, avait été mariée à un certain comte de Winterfeld : elle tourna la tête aux dix-neuf ans du page. Ce polisson n’était pas l’amant sérieux que Mme Dunoyer pouvait souhaiter pour sa fille, il n’avait pas le sou. Elle alla faire du bruit à l’ambassade ; les deux amoureux furent séparés. Arouet écrivit à son cher cœur des lettres d’une jolie couleur, grisées et mutines, telles qu’en devaient écrire les Dorante et les Chérubin[1]. Pimpette voulut bien se faire enlever ; il lui fit passer des habits d’homme. Alors l’ambassadeur renvoya son page pour Paris (déc. 1713) : mais l’enragé ne perdit pas encore courage, et il essaya d’intéresser le P. Tournemine et l’évêque d’Évreux à la bonne œuvre catholique de ramener en France une jeune huguenote. À la fin, Pimpette resta en Hollande, et se consola, dit-on, avec Guyot de Merville. Arouet ne garda pas plus de fidélité que de rancune au cher cœur.

Cependant maître Arouet, après avoir sollicité une lettre de cachet pour faire enfermer son coquin de fils, après avoir songé à l’embarquer pour les Îles, se radoucit à le mettre clerc chez Maître Alain, procureur au Châtelet, « près les degrés de la place

  1. T. XXXIII, p. 9-28.