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LA PHILOSOPHIE DE FERNEY.

Il s’agit de détruire dans les âmes le préjugé de divinité, l’habitude de respect aveugle qui donne à la Bible et à l’Évangile une place à part parmi les monuments humains. Voilà la raison de la forme employée par Voltaire : et, en réalité, elle fut efficace.

Sur le fond des choses, il vulgarisa les résultats et les problèmes de l’exégèse biblique, de la critique des origines du christianisme. Il s’informa chez Bayle et Spinoza, chez les Anglais, chez quelques Français aussi, Gaulmin, Levesgue de Burigny, Fréret. Il ne comprit pas la valeur du livre d’Astruc, lorsque Servan le lui envoya en 1767 : il avait passé l’âge de renouveler ses arguments.

Il mit dans les esprits l’idée qu’il y a une critique de la Bible, que l’histoire religieuse se fait par les mêmes méthodes que la profane, qu’on y est en présence des mêmes difficultés, des mêmes incertitudes, des mêmes causes d’erreurs, accrues de tout ce que la piété et l’autorité mettent d’obstacles à la recherche de la vérité dans ces matières. Il fit connaître à tous ce qu’un petit nombre savait, les doutes et les débats sur la composition des livres saints, sur leur date ou leur authenticité, sur l’histoire des premiers siècles de l’Église.

Il fit rentrer l’histoire sainte dans le plan de l’histoire universelle, non plus comme le centre et l’origine de tout, mais comme une vague dans l’Océan. Israël est tard venu dans la civilisation asiatique : une petite tribu d’Arabes pasteurs, grossiers, ignorants, superstitieux, féroces. Jehovah est son dieu national, égal et pareil à Chamos, le dieu des Moabites. Les juges, David sont des chefs de bandes ; Salomon, un roitelet.