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VOLTAIRE.

le réhabiliter. Il faut nous rendre compte de ce que valut en son temps cette critique forcenée et polissonne : elle fut plus sérieuse qu’on ne croirait.

On n’imagine pas aujourd’hui la naïveté, la puérilité, l’absurdité où pouvaient atteindre en France les commentateurs de la Bible, dans leur effort pour justifier le sens littéral du texte sacré et l’infaillibilité absolue des narrateurs inspirés. Il faut lire dom Calmet pour s’expliquer Voltaire : il faut le voir rendre compte de la métamorphose de la femme de Loth et de l’avarie de Job. Le ridicule dont Voltaire couvrit la Bible est tout entier dans dom Calmet : il ne demandait qu’à être exploité.

On voulait que tout fût divin dans la Bible, que tout y fût vrai, profond, respectable. Voltaire étale en ricanant toute l’humanité du livre, contradictions, ignorances, impossibilités, obscénités. Les actions et le langage des Prophètes ne l’étonnent pas, si c’est humain ; ce sont les mœurs d’un petit peuple grossier, c’est le goût oriental. Mais on veut que Dieu ait parlé dans ces symboles : alors Voltaire cite Osée et Ezéchiel largement.

On veut que l’Évangile soit divin : il y fait sentir les « racontars » de gens du peuple illettrés, crédules et fanatiques.

Humainement, la Bible est captivante comme Homère[1], et Jésus est un Socrate rustique[2]. Mais le temps de se tenir à ce point de vue n’est pas venu.

  1. XL, 190. « Ce livre fait cent fois mieux connaître qu’Homère les mœurs de l’ancienne Asie ; c’est, de tous les monuments antiques, le plus précieux. »
  2. XXVI, 353 ; XXVII. 69.