Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
171
LA PHILOSOPHIE DE FERNEY.

de son temps, tour à tour avec trop de doute et trop d’assurance. Il nous fait sourire quand il raisonne sur Ogygès ou sur les mystères, et quand il explique sommairement les phénomènes religieux par la fourberie des prêtres ou des législateurs et par l’imbécillité des peuples : c’était pourtant, comme l’a dit Hettner, la seule explication possible, la seule raisonnable au xviiie siècle, dans l’état des sciences philosophiques, médicales et sociologiques. C’était, la première, étape, une étape nécessaire, dans l’étude scientifique des religions.

À son heure, le cadre voltairien de l’histoire ancienne, comme celui de l’histoire moderne, ce cadre souple, où chacun logeait sans peine son information particulière, qu’on élargissait ou redressait à volonté, fut un véritable progrès. Il libéra les esprits de l’histoire théologique et de l’histoire puérile. Après avoir servi tel quel à une ou deux générations, c’est réellement encore lui sur lequel, plus ou moins modifié depuis Herder et Niebuhr, depuis Michelet et Quinet, tout le développement de la connaissance historique s’est déposé. Son introduction dans l’intelligence française et européenne est un moment notable de la culture générale.

Mais ne faut-il pas faire une exception pour la critique religieuse ? Il n’y a rien de plus ordurier, de plus haineux, de plus bouffon dans l’œuvre de Voltaire, que ce qu’il a écrit sur les juifs et les origines chrétiennes. Renan en a prononcé la condamnation définitive. Ni la science ni le goût de notre temps n’autorisent à revenir sur cette condamnation. Mais il s’agit ici de comprendre Voltaire, non pas de