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VOLTAIRE.

Loisy que Larcher ou Guénée, avec leur exactitude.

Le mérite de Voltaire, qui n’est pas encore commun à cette date, c’est d’avoir compris qu’il n’y a pas d’histoire, surtout d’histoire ancienne, sans critique, critique des témoignages, critique des documents, discussions de date et d’authenticité des textes. Il se pose des questions, il a des doutes, que Montesquieu même, bien plus solidement instruit, ne concevait pas. Il a des idées sur la nature de la connaissance historique, sur les degrés et les instruments de la certitude. Il distingue les temps fabuleux, les temps héroïques, et les temps historiques : « l’histoire est née très tard ». Il veut qu’on aille aux sources, il sait combien les traditions orales s’altèrent vite. Il se défie des historiens qui ne sont pas contemporains des événements, et, chez ceux mêmes qui sont contemporains, de la crédulité, de l’intérêt, des passions. Il tâche d’évaluer la véracité d’Hérodote :

Presque tout ce qu’il raconte sur la foi des étrangers est fabuleux ; mais tout ce qu’il a vu est vrai.

Il tâche de distinguer au travers de Tacite ses sources, Fabius Rusticus, Cluvius, et il se défie chez lui des séductions de la malignité et du style.

Plus on remonte dans l’antiquité, plus les certitudes sont rares. Il faut rechercher avec patience les indices sûrs.

Une étymologie avérée sert quelquefois à prouver les émigrations des peuples.

Je regarde un alphabet comme un monument incontestable du pays dont une nation a tiré ses premières connaissances.

Dans l’incohérence suspecte des traditions et des