Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
VOLTAIRE.

fois ce que les érudits de métier ne savaient ou ne voulaient pas voir.

Il nous fait sourire aujourd’hui par ses réflexions sur la Chine et sur l’Inde. Mais il avait demandé son information sur l’Inde aux fonctionnaires de la Compagnie Anglaise des Indes, à Holwell, à Dow, au savant Français Le Gentil ; il a fait siennes leurs assertions. Ce qui est plus fâcheux, il a cru, avec d’autres, à l’authenticité de l’Ezour-Veidam que le chevalier de Maudave avait rapporté de l’Inde. Il s’est enthousiasmé pour la sagesse et l’antiquité des Chinois sur les récits des jésuites, du P. Lecomte, du P. du Halde, de P. Gaubil : Isaac Vossius, les savants anglais de l’Histoire universelle, de Guignes n’ont pas été plus froids.

Seulement tandis que la plupart des érudits et des vulgarisateurs s’efforçaient de concilier les annales de l’Inde et de la Chine avec l’histoire sainte. Voltaire triomphait des contradictions chronologiques, et accueillait avec joie tous les calculs qui vieillissaient les civilisations d’Extrême-Orient. Au travers de ses erreurs, il apercevait et faisait voir au public un grand fait, toute une humanité et des sociétés puissantes antérieures à la Bible et en dehors du plan de la Bible ; il ôtait des esprits non seulement le préjugé religieux, mais en même temps le préjugé occidental, qui ne cherche la civilisation que chez les peuples ayant recueilli le double héritage des traditions judéo-chrétienne et gréco-romaine.

Tout son effort fut de briser les cadres historiques dont on s’était jusque-là contenté. Il s’y appliqua avec une audace aventureuse, et parfois un peu à