Cependant une petite sueur froide s’empara de Berthier. « Je ne sais ce que j’ai, dit-il, je me sens à la glace. — Je le crois bien, dit le frère compagnon ? — Comment ? vous le croyez bien, dit Berthier : qu’entendez-vous par là ? — C’est que je suis gelé aussi, dit Coutu. — Je m’endors, dit Berthier. — Je n’en suis pas surpris, dit l’autre. — Pourquoi cela ? dit Berthier. — C’est que je m’endors aussi », dit le compagnon. Les voilà saisis tous deux d’une affection soporifique et léthargique, et en cet état ils s’arrêtèrent devant la porte des coches de Versailles[1].
L’art de Voltaire est fait de ces fines correspondances. On se tromperait en ne lui donnant que l’esprit, au sens français, le jeu des rapports imprévus d’idées : il a l’humour, cet esprit de l’imagination qui se joue des formes et des déformations de la réalité ; il a aussi une sorte d’esprit musical qui amuse l’oreille du caprice des entrelacements sonores.
Il y a pourtant chez Voltaire quelque chose de supérieur encore aux romans, dialogues et facéties : c’est sa correspondance. Elle rassemble et contient en soi tout le reste de l’œuvre, toute la biographie, tout le caractère, toutes les particularités d’humeur, toutes les idées littéraires, toutes les curiosités historiques et philosophiques, toutes les aspirations
- ↑ XXIV, 95.