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L’ART VOLTAIRE.

Nous serions les maîtres, sans ces coquins de gens d’esprit. — Tous les gens qui raisonnent sont la perte d’un État[1].

Nous aimons à prêcher, parce qu’on loue les chaises[2].

Je me serais battu contre lui, si je m’étais senti le plus fort[3].

Rien n’est souvent plus convenable que d’aimer sa cousine, on peut aussi aimer sa nièce. Mais il en coûte 18 000 livres, payables à Rome, pour épouser une cousine et 80 000 francs pour coucher avec sa nièce en légitime mariage[4].

Dans les courts dialogues, comme le Plaideur et l’Avocat ou les Anciens et les Modernes, Voltaire ne s’écarte pas : toutes les phrases vont au but, et chaque mot fait argument. Dans les amples conversations, comme celle de l’Intendant des Menus en exercice avec l’abbé Grizel sur l’excommunication des comédiens, l’allure est plus libre, en apparence plus capricieuse. De Louis XIV dansant ou de Marie-Thérèse chantant sur le théâtre, on passe aux enterrements de Molière et de la Lecouvreur, aux sorciers, aux invectives de l’Évangile contre les financiers, à l’histoire de l’Église, à l’excommunication des rois, à l’intolérance des convulsionnaires et des fanatiques, à la prépondérance du pouvoir civil, aux contradictions des mœurs des Welches, à toutes leurs sottises, à leur vraie supériorité parmi les nations, qui est dans l’art dramatique ; et la conclusion se fait aux dépens du bâtonnier des avocats qui avait fait brûler le mémoire des comédiens.

C’est l’allure d’un chapitre de Montaigne. Mais toutes les digressions sont des suppléments de

  1. XXIII, 272 et 273.
  2. XXV, 451.
  3. XXIX, 369.
  4. XXV, 273.