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L’ART VOLTAIRE.

Le dialogue et la facétie entrent dans l’œuvre de Voltaire vers 1750. C’est en juin 1751 qu’il discute les mérites de Fontenelle et de Lucien : il veut que le dialogue soit naïf, vrai, utile[1]. Il ne se borne pas aux dialogues des morts. Il fait revenir les morts parmi les vivants, et Tullia, fille de Cicéron, se présente à la toilette de Mme de Pompadour. Il fait converser des gens de tout état et de toute nation, même une fois des animaux, le chapon et la poularde.

La facétie est un monologue, une lettre, ou un dialogue, ou une série de monologues, lettres ou dialogues, qui s’encadre dans une fiction fantaisiste ou bouffonne. La critique littéraire, la satire personnelle, et la satire des mœurs avaient mis à la mode ces formes libres : après Saint-Hyacinthe, Desfontaines, La Mettrie, etc., Montesquieu avait consacré cette bagatelle par sa Très humble remontrance d’une jeune juive de dix-huit ans aux inquisiteurs d’Espagne et de Portugal.

Addison et Swift avaient été maîtres dans ce genre d’inventions humoristiques. Voltaire les avait bien lus ; et vers 1759 il se reprit à aimer Rabelais que jadis il avait un peu méprisé[2]. Mais il demeura original : cette partie de son œuvre ne ressemble qu’à lui.

Il multiplia avec une intarissable gaieté, avec une jeunesse étonnante d’imagination, ces rogatons, ces petits pâtés, qui faisaient digérer ses idées aux esprits les plus dégoûtés et les plus frivoles. Ce sont des lettres, des discours, des sermons, des

  1. XXXVII, 284.
  2. XXII, 174. VIII, 577. XXVI, 469, 491. XL, 192, 350.