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L’ART VOLTAIRE.

Il est artiste plus que psychologue, et c’est par là justement qu’il enrichit la psychologie. Il n’analyse pas des caractères, il dessine des silhouettes. Chacun des fantoches qui vont à la chasse au bonheur est saisi en son attitude expressive, qui révèle le ressort dont il est mu. Chacun a le pli, l’accent de son état ou de sa nation. Leurs noms révèlent leurs races : la marquise de Parolignac, Vanderdendur, le baron de Thunder-ten-tronekh, don Fernando d’Ibaraa y Figueroa y Mascarenes y Lampourdo y Souza, etc. Toutes les idées que Voltaire se fait de la société et des parties qui la composent, des gouvernements, de la religion et des mœurs des divers pays, s’inscrivent dans les croquis dont il remplit ses contes, déterminent le choix des actes et des propos qui expriment ses personnages. Il distingue l’Anglais, l’Italien, l’Allemand, le Français, le Turc, comme l’anabaptiste et le calviniste, le jésuite et le capucin, l’officier et le négociant. La psychologie des professions et la psychologie ethnique sont très observées et précises chez lui.

Les actions, comme les caractères, ne se présentent pas dans des formes abstraites et générales. Elles se réalisent en particularités locales. Nous savons les menus des repas que fait Candide dans tous les pays de l’ancien et du nouveau continent, du pain avec de la bière en Hollande, au Paraguay du jambon et du chocolat, en Italie des macaronis, des perdrix de Lombardie, des œufs d’esturgeon, arrosés de Montepulciano et de Lacryma-Christi, en Turquie des sorbets, du kaïmak piqué d’écorce de cédrat confît, des oranges, des citrons, des limons,