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VOLTAIRE.

réduit en un « consommé » substantiel et léger. Ce sont les Questions sur l’Encyclopédie, neuf volumes qui s’impriment de 1770 à 1772 et qui apportent en 378 articles un renfort énergique aux in-folios trop souvent timides de Diderot.

Les livres les plus utiles, disait Voltaire, sont ceux dont les lecteurs font eux-mêmes la moitié : ils étendent les pensées dont on leur présente le germe[1].

Voici quelques-uns de ces germes qu’il destinait à lever dans les esprits :

La politique dans tous les temps conserva les abus dont se plaignait la justice.

Il ne suffit pas qu’une chose soit possible pour la croire.

En général, l’art du gouvernement consiste à prendre le plus d’argent qu’on peut à une grande partie des citoyens pour le donner à une autre partie.

L’histoire n’est autre chose que la liste de ceux qui se sont accommodés du bien d’autrui.

La foi consiste à croire ce que la raison ne croit pas.

Un chanoine mène-t-il une vie scandaleuse, on lui dit : Est-il possible que vous déshonoriez la dignité de chanoine ? On fait souvenir un homme de robe qu’il a l’honneur d’être conseiller du roi, et qu’il doit l’exemple. On dit à un soldat pour l’encourager : Songe que tu es du régiment de Champagne. On devrait dire à chaque individu : Souviens-toi de ta dignité d’homme.

Un pendu n’est bon à rien.

La véritable charte de la liberté est l’indépendance soutenue par la force. C’est avec la pointe de l’épée qu’on signe les diplômes qui assurent cette liberté naturelle.

Ô philosophe ! les expériences de physique bien constatées, les arts et les métiers, voilà la vraie philosophie[2].

Ce sont de telles petites phrases lumineuses, au milieu des collections de faits, des anecdotes, des

  1. T. XVII, p. 2.
  2. T. XVII, p. 47, 253, 358, 417 ; XIX, 475 ; XX, 54, 456, 553, 599.