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LA JEUNESSE DE VOLTAIRE.

la pensée de lui assurer pour l’avenir de belles relations. En effet Voltaire connut au collège les neveux du cardinal de Tencin, d’Argental et Pont de Veyle, Cideville, qui sera conseiller au Parlement de Rouen, Fyot de la Marche, qui sera président au Parlement de Bourgogne, les deux d’Argenson, fils du lieutenant de police, qui tous les deux seront ministres.

Il eut pour maîtres le Père Thoulié, préfet des études (plus tard abbé d’Olivet), les Pères Lejay, Tournemine, Porée, Carteron. Il est difficile de faire la part de la vérité dans les anecdotes qui ont cours sur ses années de collège : on ne peut guère douter du fond qu’elles revêtent, et qui se réduit à deux points, la précocité d’intelligence et la précocité d’impertinence de Voltaire.

Les jésuites ou ne purent ou ne surent donner à leur élève une piété fervente. Et ils ne réussirent pas davantage à lui donner la solidité morale. Je ne sais pas ce que les jansénistes auraient fait d’une pareille nature ; mais les honnêtes jésuites de Louis-le-Grand ne pouvaient former des êtres moraux qu’en faisant des dévots soumis ; là où ils ne plantaient pas la foi obéissante qui ne raisonne pas, le fondement de la moralité manquait ; il ne restait que des habitudes de complaisance au monde, de compromis avec les mœurs du siècle et les tentations intérieures, toute cette pratique relâchée dont leur adroite religion savait faire un pieux usage, à la gloire de Dieu et au profit de l’Église. Qui ne sortait pas bon catholique de leurs mains, n’en pouvait sortir profondément, gravement moral ; et certains