Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
VOLTAIRE.

pourvu qu’ils ne soient point fiers ; en guerre avec son curé et son évêque, et tout amusé de communier par-devant notaire pour leur faire pièce : point méchant au fond, ni avare ; serviable, libéral, généreux même à ses nièces et à Marie Corneille, hébergeant, secourant, défendant, patronnant je ne sais combien de gens, réconciliant Champflour fils avec Champflour père, assurant le transport d’un petit Pichon ou le mariage d’une fille engrossée du même entrain dont il mène l’affaire Calas ou la guerre à Fréron : gamin de Paris, et enfant gâté au possible, tout amour-propre et tout nerfs, et ne faisant à personne par ses folies autant de tort qu’à lui-même[1].

De son petit royaume de Ferney, il échange des vérités et des coups de griffe avec Frédéric qu’il connaît comme il en est connu, de la philosophie et des compliments avec l’impératrice Catherine dont il est un peu la dupe dans les affaires de Pologne. Il fleurette avec toute sorte de rois et de princes. Il est politiquement en coquetterie avec la cour de France ; il cajole la Pompadour tant qu’elle vit, sans soupçonner l’incurable blessure qu’il lui a faite par une phrase de la dédicace de Tancrède. Il tire tout ce qu’il peut de son vieil et peu sûr ami le maréchal de Richelieu comme aussi des ministres qui passent ; il les paye largement en adulations, Babet la bouquetière, c’est-à-dire le cardinal de Bernis, et puis le duc de Choiseul, et puis le duc d’Aiguillon et Maupeou, et enfin Turgot, le vrai ministre selon

  1. Cf. Asse, Lettres de Mme de Graffigny, p. 247-483, et Bibl. nat., ms. 15 285,. le carnet de Voltaire, notamment p. 21.