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VOLTAIRE.

savants, ayant dépouillé ou masqué la rogue cuistrerie du bel esprit, moins strictement attachés à la domesticité des grands, circulent dans le monde, et sont les ferments de la bonne compagnie.

Arouet le père n’était pas un notaire à l’ancienne mode. Il avait été marié à une agréable personne dont il ne faudrait pas croire du mal par la seule raison qu’on en a un peu médit. Il entretenait d’excellentes relations avec ses très nobles clients les Saint-Simon et les Richelieu, plus familières sans doute avec ceux-ci, puisque le fils du notaire et le fils du duc en restèrent liés pour la vie. Caumartin de Saint-Ange, Ninon de Lenclos, l’abbé de Châteauneuf, parrain de François-Marie, l’abbé Gedoyn, le chansonnier Rochebrune venaient en amis dans sa maison. Il avait connu Corneille et Boileau, et fréquentait la Comédie.

Ainsi, sans sortir du logis paternel, l’enfant qui devait être Voltaire mettait le pied dans trois mondes : celui des grands seigneurs, celui de la noblesse parlementaire, et celui des gens de lettres. Une conscience confuse et complexe s’ébauchait en lui.

À dix ans, François-Marie fut mis chez les jésuites, au collège Louis-le-Grand. Neuf ans plus tôt le père avait donné son aîné aux jansénistes de Saint-Magloire. Cette contradiction s’explique peut-être simplement par le mauvais état où étaient en 1704 les affaires du jansénisme, après le cas de conscience. L’aimable homme, un peu léger, qu’était Arouet, ne devait pas se roidir contre les courants.

Il eut sûrement, en confiant son cadet aux jésuites,