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VOLTAIRE AUX DÉLICES ET À FERNEY.

sur le désastre de Lisbonne, se désole de la guerre qui éclate en 1756, se raccommode avec le roi de Prusse en lui gardant une dent, essaie de s’entremettre pour le rétablissement de la paix, écrit aux Anglais en faveur de l’amiral Byng, s’enrôle dans l’Encyclopédie, chamaille avec Grasset, se brouille avec Haller, va visiter l’électeur Palatin, pleure la margrave de Baireuth, excite d’Alembert à faire son article Genève pour l’Encyclopédie, à y louer le christianisme raisonnable, le pur déisme des modernes calvinistes, et à refuser aux pasteurs genevois la rétractation que leur piété ou leur politique réclame.

Le tracas qui se fait pour l’article Genève lui donne à réfléchir. D’ailleurs il perçoit peu à peu l’incompatibilité d’humeur et de point de vue qui existe entre les Genevois et lui. Le Magnifique Conseil défend aux citoyens et bourgeois de venir jouer ou voir jouer des tragédies chez Voltaire, invite Voltaire à s’abstenir de dresser un théâtre sur le territoire de la chrétienne république. Il en sera quitte pour « faire l’histrion » à Lausanne chez lui, ou à Monrepos chez le marquis de Gentil. Mais à Lausanne, d’autres pointes du zèle calviniste le blessent.

Il revient donc sur la terre française. Il achète, dans le pays de Gex, à une demi-heure de Genève, la terre de Fernex (il écrira Ferney, comme on prononçait) ; il loue à vie, du Président de Brosses, le comté de Tournay. Le voilà cette fois bien assuré, les pieds de devant, comme il disait, à Lausanne et et à Genève, ceux de derrière à Ferney et Tournay. Il dressera ses tréteaux à Ferney, surtout à Tournay,