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VOLTAIRE.

la mi-côte entre Lausanne et le lac, une maison abritée du vent du nord, pour les hivers. Et pour les étés, il acquit au prix de 87 000 livres, près de Genève, à Saint-Jean, une propriété qu’il baptisa les Délices, d’où il voyait, d’un coup d’œil, « Genève, son lac, le Rhône, une autre rivière (l’Arve), des campagnes et les Alpes[1] ». Un peu plus tard, comme Monrion manquait de jardin et de poêles, il loua à Lausanne, pour neuf ans, une grande et confortable maison dont les quinze fenêtres de façade avaient la vue du lac et des Alpes de Savoie.

Un sentiment délicieux de tranquillité et de bien-être se répandit dans son âme. Il regarda avec des yeux charmés le décor élégant et grandiose du lac encadré de montagnes ; devant la beauté du paysage alpestre il évoqua avec un enthousiasme inaccoutumé les souvenirs héroïques de la liberté suisse. Il fut soulevé jusqu’au lyrisme.

Mais il ne s’y attarda pas. L’action le ressaisit dès qu’il se sentit en sûreté. Il bâtit, plante, jardine aux Délices. Il fait saillir, hélas ! en vain, ses six juments par un trop vieil étalon danois. Il donne à dîner aux personnes les plus distinguées du pays ; il reçoit tous les voyageurs notables qui passent par Lausanne et Genève, Palissot, Lekain, Mmes d’Epinay et du Bocage, le philosophe anglais Gibbon, le jésuite italien Bettinelli. Il se démène pour désavouer la Pucelle, accable son secrétaire Collini de dictées et de copies, remanie son Histoire Universelle, écrit une tragédie chinoise, dispute contre la Providence et Leibniz

  1. XXXVIII, 390.