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VOLTAIRE HISTORIEN.

sauvage dans les plus sombres époques. « Il faut être bien maladroit pour calomnier l’inquisition. » Les moines ont défriché, étudié, et les cloîtres ont été dans des siècles barbares « une retraite assurée, contre la tyrannie ». Voltaire sait être pour les Templiers contre Philippe le Bel ; et, prenant la lutte du sacerdoce et de l’empire comme fil conducteur dans la confuse histoire du moyen âge, il sait voir dans la papauté une force morale qui tient en échec la brutalité militaire.

Cependant on ne saurait nier que son impatience généreuse, son tempérament explosif ne lui aient fait très souvent fausser l’histoire. De son propre point de vue même, il devait être moins sévère à cette pauvre humanité destituée de secours divin, et qui, si péniblement, si douloureusement s’est élevée de l’animalité à la raison. Chaque parcelle de moralité, de justice et de liberté a été une conquête de l’esprit. Le moindre progrès devait prendre de là pour lui un prix infini ; et si désireux qu’il fût d’exciter les vivants à secouer les servitudes séculaires, il ne devait pas prodiguer le sarcasme aux morts qui ont eu plus de mérite à mettre dans leur barbarie quelques principes de raison, que nous n’en avons actuellement à les développer.

Il a trop constamment projeté dans le passé les idées du présent ; il n’a pas vu que l’Église, maintenant force de réaction et d’oppression, a été pour un temps une force de progrès et de libération. Il a « réhabilité » les empereurs persécuteurs, comme défenseurs de la société laïque ; il a déguisé le mystique Julien en philosophe rationaliste. Il s’est fait