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VOLTAIRE.

mais de l’homme, sont la guerre et le fanatisme. Des millions d’hommes ont péri, depuis l’aube de l’histoire, par l’ambition des rois et pour l’absurdité des dogmes. Le remède est de désabuser les peuples : moins éblouis et moins crédules, c’est-à-dire plus raisonnables, ils consentiront moins aisément à leur misère.

Mais que le progrès de la raison est lent ! Le sang de l’historien bout quand il voit le tissu d’horreurs et de sottises qu’est l’histoire. L’impatience le saisit. Il en veut aux dupes, aux victimes de chérir ou d’adorer leurs tyrans. Sa colère s’exaspère quand il regarde ses devanciers : depuis le chroniqueur grossier des rois carlovingiens jusqu’au jésuite discret, à l’académicien poli, les voilà tous, ou presque tous, puérils, menteurs, serviles, à plat ventre devant la force, glorifiant la fraude, le brigandage, l’injustice, incapables de poser un regard d’homme sur les rois et sur les prêtres : tous ou presque tous appliqués à faire durer les erreurs qui tiennent l’humanité sous le joug. Les yeux sur leur récit, il le refait avec une ironie emportée, étalant tous les faits qui éclairent « l’excès de l’absurde insolence de ceux qui gouvernaient les peuples, et l’excès de l’imbécillité des gouvernés. » À force de souligner de sarcasmes tous les « crimes » des rois et des prêtres, le public finira peut-être par comprendre et vouloir.

L’Essai est donc une œuvre d’ardent prosélytisme humanitaire. Ce n’est pas qu’il ne songe à être juste, même envers les rois et les papes[1]. Tout n’a pas été

  1. XI, 309, 343 ; XII, 66, 353.