Page:Lanson - Voltaire, éd5.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
VOLTAIRE HISTORIEN.

L’idée cosmopolite, à l’arrière-plan dans le Louis XIV, passe ici au premier plan. Il n’y a pas de peuple élu, pas de race supérieure : chaque société à son tour collabore au développement humain. L’auteur se propose de « rendre justice à toutes les nations ».

Excluant le point de vue Providentiel, et tout finalisme, il offre une conception rationnelle de l’histoire. L’humanité s’est faite elle-même, à l’aventure, lentement, sous la pression des instincts, des besoins et des circonstances, qui pièce à pièce ont formé les lois, les mœurs, l’industrie, les sciences, et jeté çà et là un peu d’aise, de justice et de liberté, parmi beaucoup de misères et de brutalités. Dans cet ample mouvement, vu de haut, l’effort de l’individu disparaît. Le grand homme, partout en scène dans le Louis XIV, cède ici la place au hasard, et à l’insensible déplacement des masses qui seul réalise le progrès : on voit ici l’individu bien plus comme produit que comme cause[1].

Cependant l’histoire voltairienne est profondément idéaliste. Sachant que la connaissance et le sentiment sont les moteurs du déterminisme moral, il s’efforce de donner à ses lecteurs l’image du passé qui peut en faire les ouvriers de son idéal. Cet idéal se définirait bien une conception rationnelle des rapports humains. L’expérience a révélé qu’il y a pour les hommes des conditions générales de bonheur ou de malheur Les conditions les plus certaines de malheur, parmi celles qui ne viennent pas de la nature,

  1. XII, 66.