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VOLTAIRE HISTORIEN.

il s’en soucie fort peu, comme de « la manière dont il mettait son rabat », et de « l’air bourgeois que le roi disait qu’il avait conservé à la cour ». La noblesse de l’histoire se refuse ces détails. Toutes les vulgarités sont écartées ou voilées par le ton de la bonne compagnie.

Surtout Voltaire ne veut pas du pittoresque auquel nulle idée ne s’attache. Peindre est pour lui une manière d’expliquer. Il ne parle à l’imagination que pour donner à penser. Les menus détails, les anecdotes piquantes, tout le concret n’est que symbole. Par la sensation il tend à l’idée, et il ne veut apporter au lecteur que des sensations choisies, dégrossies, qui conduisent sans peine le lecteur aux rapports instructifs. La claire et fine couleur du Siècle de Louis XIV est tout intellectuelle.

Hors les malveillants que rien ne désarmait, il n’y eut qu’une voix sur un ouvrage qui répondait en perfection à la structure mentale de l’époque. Mme de Graffigny, Frédéric, le marquis d’Argenson, admirèrent avec enthousiasme, et lord Chesterfield exprima le sentiment public quand il disait :

« C’est l’histoire de l’esprit humain écrite par un homme de génie pour l’usage des gens d’esprit[1]. »

Une impression pareille, et plus forte encore, fut produite par l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations.

En 1740, lorsqu’il renonça à achever en France son Siècle de Louis XIV, Voltaire se mit à faire un

  1. Desnoiresterres, IV, 211.