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VOLTAIRE.

ment vécurent : Armand qui succéda dans la charge du père, une fille qui fut Mme Mignot, et ce dernier-né, chétif et malingre d’aspect, pourtant de constitution robuste au fond, comme la suite le prouva, et doué d’un magnifique appétit de vivre.

Les Arouet et les Daumard venaient du Poitou : les Arouet, marchands, tanneurs, drapiers, enfin élevés aux professions libérales en la personne du notaire et payeur des épices ; les Daumard, plus avancés dans leur ascension de l’échelle sociale, récemment nobles, famille de petite robe. Des deux côtés. Voltaire est purement bourgeois ; il sort à peu près de la même couche sociale que Boileau.

De cette franche origine, il a reçu une certaine forme de conscience, certaines façons de voir la vie. La bourgeoisie, à la fin du xviie siècle, commence à contester le privilège de la naissance, mais c’est pour envahir, non pour détruire, le privilège de la noblesse. Elle entend que le mérite personnel, le travail, et le signe du mérite et du travail, la richesse, partagent avec la naissance les avantages sociaux. Elle n’est pas révolutionnaire : tout bourgeois qui réussit veut être noble et faire ses enfants nobles, par la robe ou par l’épée. Deux fils de Corneille sont officiers ; le fils aîné de Racine va dans les ambassades. Le fils d’un négociant de Rouen épouse la fille du lieutenant de police d’Argenson et devient maréchal de camp. Le fils d’un libraire est fermier général et fait de son fils un conseiller au Parlement : ce sera le président Hénault, qui finira dans une charge de cour, surintendant de la maison de la reine.