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VOLTAIRE HISTORIEN.

l’on voit le pape ligué avec les puissances protestantes avant d’avoir entendu parler de la régale. Mais ce morcellement correspond à la forme analytique de l’esprit voltairien, et à l’enchaînement de ses idées.

Tandis que vers 1730 l’opinion n’était pas favorable à Louis XIV, contre lequel se réunissaient les rancunes des grands écartés du pouvoir et les antipathies des philosophes révoltés du despotisme, Voltaire, homme d’esprit et poète alors avant tout, voyait dans ce long règne le prodigieux développement de l’intelligence, les chefs-d’œuvre des arts et des lettres, la France manquant, il est vrai, la monarchie universelle, mais établissant sur toute l’Europe la domination de sa langue, de sa politesse, de sa culture, de ses grands écrivains. De là, l’enthousiasme dont sortit le premier dessein, tout français et classique, du Siècle de Louis XIV. Il s’y joignit une arrière-pensée : quel contraste entre la cour où l’on voyait à la fois Condé, Colbert et Racine[1], et celle où il n’y a plus de Condé, ni de Colbert, et où Voltaire n’est pas ! Une leçon au gouvernement de Louis XV devait sortir de l’histoire de Louis XIV.

Elle s’étagea en plans successifs : après le portique grandiose des victoires et des conquêtes, la personne du roi, les mœurs et la vie de cour, la politesse noble, puis le gouvernement intérieur et les institutions utiles, puis les affaires ecclésiastiques, enfin au fond de la scène le merveilleux décor des arts, des lettres et des sciences, caractéristique

  1. XXXII, 493.