caractères et les rôles des grands acteurs, Colbert, Mme de Maintenon, le roi. Il les a étudiés sérieusement. Les épigrammes du style ne doivent pas nous dérober la modération sérieuse des jugements. Si l’on excepte les affaires religieuses, c’est par optimisme plutôt que par satire que Voltaire, une fois en sa vie, a péché. S’il n’a pas cru au désintéressement de Turenne dans sa conversion, est-ce malignité, ou vérité ? Indulgent aux maîtresses et aux favoris du roi, il lui a fait, tout pesé, la part plutôt belle dans les splendeurs de son règne. Il a le premier vu Mme de Maintenon dans son vrai caractère, et marqué l’importance de Colbert qui n’était pas en faveur auprès de ses contemporains. Il a été modéré sur la Révocation jusqu’à mécontenter les protestants, indiquant l’injustice, la cruauté, les désastreuses conséquences de cette mesure intolérante, mais condamnant la révolte des Cévennes au nom de l’ordre public et par dégoût des illuminés.
Très librement pensé, tout son livre n’est pourtant qu’une glorification de l’esprit français, de la civilisation française du xviie siècle, et du roi qui en a été la splendide expression : le philosophe qui hait la guerre a bien de la peine à ne pas se laisser parfois éblouir par la grandeur militaire et les conquêtes de la France polie.
Depuis Gibbon, pas un critique n’a omis de blâmer le plan du livre, qui morcelle le sujet, et détruit la liaison des faits. On lit Malplaquet et les derniers jours sombres du vieux roi avant d’avoir assisté aux Plaisirs de l’île enchantée. On entre dans la guerre de Hollande avant d’avoir su les tarifs de Colbert, et