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VOLTAIRE.

valeur même aujourd’hui, et dont les historiens prennent encore la peine de discuter les assertions.

Un protestant français, homme d’esprit, mais aventurier, peu scrupuleux, assoiffé de bruit et d’argent, Angliviel de La Beaumelle, s’empara de l’ouvrage en 1753 et le fit réimprimer avec des remarques parfois judicieuses et utiles, pour la plupart satiriques et injurieuses. Voltaire, outré d’être à la fois volé et diffamé, riposta par un Supplément au Siècle de Louis XIV. Ce fut le commencement de ses démêlés avec La Beaumelle, où, comme toujours, il passa la mesure, et donna lieu au public d’oublier que les premiers torts étaient du côté de son adversaire.

La Beaumelle, qui avait de l’esprit et du savoir, n’a fait que de menues retouches au Siècle de Louis XIV. Hénault n’a pas pu davantage. L’ouvrage était solide : personne au xviiie siècle n’était de force à l’entamer. Voltaire avait été très bien préparé à l’écrire. Il avait vécu sa jeunesse parmi les survivants du grand règne, au Temple, à Saint-Ange, à Sully, à Sceaux, à Vaux-Villars, à la Source. En Angleterre, il avait vu des acteurs de la guerre de la succession d’Espagne, lord Peterborough, lord Methuen, la veuve du duc de Marlborough, sans parler de Bolingbroke. Il eût pu, de toutes les confidences recueillies, faire de très intéressants Mémoires des autres sur Louis XIV. Il voulut faire une histoire.

Il reprit méthodiquement ses interrogations, suivant toutes les pistes, frappant à toutes les portes, allant de la duchesse de Saint-Pierre, sœur de Torcy,