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VOLTAIRE HISTORIEN.

un récit rapide, dégagé, vivant, d’une couleur élégante et fine, qui avait l’intérêt d’un roman. Tout le monde le sentit et les critiques de s’écrier que ce n’était qu’un roman[1]. Nous savons aujourd’hui que c’était mieux. Admirablement informé pour le temps, ayant consulté tous les documents et tous les témoins, Voltaire a cherché la vérité avec une impartiale liberté. S’il a tiré de la vie de Charles XII un enseignement philosophique, pour condamner dans un roi l’amour de la guerre, des conquêtes et de la gloire, c’était la leçon qui sortait naturellement des faits : il n’y avait pas besoin de les fausser pour l’y trouver. Les rectifications partielles de La Motraye, de Nordberg, ou de l’ex-grenadier Popinet[2] mettent en lumière, plutôt qu’elles ne l’infirment, la solidité générale de l’ouvrage. Seuls les historiens du xixe siècle à qui les archives de Suède ont été ouvertes, ont pu apporter au récit de Voltaire des corrections ou des compléments d’importance. Par la forme exquise et légère, ce bon travail d’histoire s’assortissait bien à la nuance des chefs-d’œuvre du moment, Zaïre et Manon Lescaut.

Le Siècle de Louis XIV a plus de portée. Médité dès 1732, et peut-être dès 1729, commencé en 1734, fort avancé en 1738, suspendu devant l’hostilité du gouvernement, repris en 1750, terminé et publié en 1751 à Berlin, retouché en 1756 et parvenu seulement en 1768 à un état définitif, le Siècle de Louis XIV est une grande œuvre historique qui garde une

  1. Voltairomanie, p. 6. — Poème en prose, disait l’abbé de Parthenay (Histoire de la Pologne sous Auguste II, préface).
  2. Mercure, janvier 1746.