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LE GOÛT DE VOLTAIRE.

là, mais dans le sens qu’il a indiqué. Il est le grand nom représentatif par lequel peut s’éclairer le passage de la tragédie classique au drame romantique, d’Athalie à Hernani. Sa puissance éclate dès qu’on regarde le tableau des représentations : en 1763, Corneille est joué 16 fois à la Comédie-Française, Racine 17 fois. Voltaire 48 fois ; en 1775, Corneille 10 fois, Racine 20 fois, Voltaire 54 fois. En 1789, Corneille 18 fois, Racine 28 fois, et Voltaire 42 fois. Les 18 représentations de Du Belloy, le plus joué des jeunes depuis 1765, ajoutées aux 22 du Charles IX de Chénier qui est dans l’éclat de sa nouveauté, lui font à peine contrepoids.

En 1805, il n’a plus que 28 représentations contre 57 à Corneille et 59 à Racine : mais Crébillon, Ducis, Lefranc de Pompignan, Longepierre, Poinsinet de Sivry arrivent à eux tous à un total de 9 : seul Voltaire se maintient entre le classique de Louis XIV et le classique impérial : c’est l’année des Templiers, qui se jouent 33 fois. Et enfin, en 1828, Corneille tombe à 9 ; Racine à 26 : Voltaire reste à 28 ; si Ducis seul de tout le xviiie siècle fait quelque figure à côté de lui par 10 représentations, Hamlet et Othello en prennent 9 ; c’est de Shakespeare que le public est curieux chez Ducis.

Des comédies de Voltaire, il vaut mieux ne pas parler. Il ne réussit que dans le comique larmoyant que son goût réprouvait. L’Enfant prodigue et Nanine marquaient pour lui les limites du mélange des genres : ces deux comédies eurent un succès prolongé ; on les jouait encore sous le Premier Empire, pour leur tiède sagesse. Il est assez curieux