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VOLTAIRE.

netti : « C’est un bois hors la ville, consacré à la sépulture des rois. Ce lieu est rempli d’une quantité de tombeaux antiques et de différentes formes, de cyprès, d’obélisques, de pyramides, et de tout ce qui caractérise la pieuse vénération des anciens pour les morts. Entre ces tombeaux, on distingue celui de Cresphonte, orné par tout ce que Mérope a pu rassembler de plus précieux ». Une émotion historique et lyrique saisit le spectateur devant ce décor qui exprime la poésie du passé et celle de la mort. Qu’on est loin d’Andromaque, où le tombeau d’Hector n’est que dans les vers, visible seulement aux esprits !

La réaction pseudo-antique de la tragédie révolutionnaire et impériale se fera contre Voltaire autant que contre le drame, en retenant beaucoup de Voltaire. C’est lui, en un mot, qui, en croyant consolider la tragédie, l’a condamnée. Il a habitué le public aux effets mélodramatiques, romantiques, qu’il a masqués de ses alexandrins brillants et flasques. Il a rendu l’unité de lieu impossible. Les grandes scènes de son théâtre, — Mérope levant la hache sur son fils, Séide poignardant Zopire près de l’autel où il prie, et le vieillard se traînant sanglant sur le théâtre, Ninias sortant les bras ensanglantés du tombeau de Ninus où il vient de tuer sa mère — sont des scènes de pur pathétique, presque sans contenu psychologique, et d’un pathétique bien théâtral, qui ne peut se passer des moyens scéniques d’exécution, et ne donne tout son effet qu’aux yeux. Du Belloy, Lemierre, Ducis n’ajoutent à l’action de Voltaire que des hardiesses particulières : ils marchent quand Voltaire s’est arrêté, ou n’est plus