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LE GOÛT DE VOLTAIRE.

Métastase, où se mélangent la sensibilité et la philosophie voltairiennes : il y a toujours de l’imprévu pour amuser la curiosité, du connu pour rassurer les habitudes.

En 1760, Voltaire a réalisé son programme dramatique : d’autres vont plus loin et plus vite. Sans changer ses idées, il les retourne : son libéralisme dépassé agit comme une force conservatrice. Diderot et le drame, Shakespeare et la violence anglaise menacent l’édifice national de l’art classique. Mais surtout Voltaire à Ferney a trop de choses à faire ; l’action sociale, la propagande philosophique l’enfièvrent ; le plaisir du théâtre s’y subordonne.

Pourtant c’est encore un défilé amusant de tragédies — plus amusant souvent pour le lecteur que pour le parterre — : les grands tableaux antichrétiens d’Olympie, le curieux essai de tragédie historique du Triumvirat où malheureusement le goût n’a rien laissé passer dans les vers de la couleur qui est dans les notes, la pastorale bourgeoise des Scythes où le patriarche de Ferney se costume en berger tragique, les actualités transparentes des Guèbres et des Lois de Minos avec leurs plaidoyers pour la tolérance et contre les prêtres. Dans tout cela, le sens fait plus que l’art, et c’est bien là qu’on a raison de parler de brûlots éteints.

Mais, après 1760, on continue de jouer, on reprend les chefs-d’œuvre des trente années précédentes : ils continuent d’agir ; leur hardiesse se développe, en dehors de l’auteur, par l’application qu’on leur fait de tous les progrès de la mise en scène. Le 3e acte de Mérope se joue en 1763 dans un décor de Bru-