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VOLTAIRE.

fils, pères, mères qui tuent ou qui vont tuer leurs pères, mères ou fils, haines de frères, jalousies homicides, sentiments et crimes contre nature, incognitos gros des malheurs, fatalités qui dévastent la vie. Voltaire rafraîchissait l’assortiment des situations, des caractères et des passions de théâtre, par des inventions de mise en scène, des évocations d’histoire, des esquisses de civilisations lointaines et de personnages historiques. Il apportait quelques nouveautés psychologiques : un type anglais presque[1] inconnu avant lui de féminine fragilité, un type faible et charmant de créature abandonnée à l’amour, moins morale et réfléchie que les Junie et les Aricie, moins énergique que les Hermione et les Roxane. Et puis, dans le curieux trio de Mahomet, il donnait les premiers essais d’analyse rationnelle des phénomènes religieux qu’on eût produits sur notre théâtre : le créateur de religion, un Tartuffe tragique, un homme de génie, indifférent aux moyens, qui domine les hommes superstitieux par la fourberie et qui machine un miracle au dénouement ; à côté du prophète, ses deux instruments, deux âmes jeunes qu’il fascine et qui reçoivent toutes ses suggestions, une jeune nonne crédule et craintive, et Séide, ce Jacques Clément, sombre, inquiet, que la folie du meurtre et du martyre emportera jusqu’au parricide.

La nouveauté chez Voltaire n’est jamais tout à fait neuve, ni la tradition simplement traditionnelle. Une combinaison se fait de Sophocle, de Corneille, de Racine, de Quinault, de Shakespeare, même de

  1. Ce presque est pour La Fosse (La Valérie de Manlius).