Page:Lanson - Hommes et Livres, 1895.djvu/145

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
CORNEILLE ET DESCARTES

qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés » il n’estime plus que « l’empire absolu sur soi-même ».

Je suis maître de moi comme de l’univers,
Je le suis, je veux l’être. Ô siècles, ô mémoire,
Conservez à jamais ma dernière victoire
Je triomphe aujourd’hui du plus juste courroux
De qui le souvenir puisse aller jusqu’à vous.

(V,3.)

Dès lors Auguste s’est dépouillé d’Octave la volonté a nettoyé cette âme perverse, et y a engendré la générosité.

III

Corneille a donné à l’amour un caractère vertueux et moral dont on s’est étonné souvent. C’est que l’amour n’est pas dans Corneille une attraction sensuelle, une émotion irraisonnée de la sympathie sans exclure ces éléments, il en fait surtout un élan vers la perfection ; l’amour cornélien est conscient, raisonnable et volontaire. Il est précisément ce que Descartes explique en son article 139.

Art. 139. — Nous devons principalement considérer les passions en tant qu’elles appartiennent à l’âme, au regard de laquelle l’amour et la haine viennent de la connoissance… Et lorsque cette connoissance est vraie, c’est-à-dire que les choses qu’elle nous porte à aimer sont véritablement bonnes, et celles qu’elle nous porte à haïr sont véritablement mauvaises, l’amour est incomparablement meilleure que la haine ; elle ne sauroit être trop grande, et elle ne manque jamais de produire la joie. Je dis que cette amour est extrêmement bonne, pour ce que, joignant à nous de vrais biens, elle nous per-