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l’époque romantique.

les orateurs de l’orléanisme nous apparaissent comme occupés surtout de saisir ou de retenir le pouvoir, divisés par leur ambition seule, et montant à l’assaut du ministère, sans s’inquiéter de discréditer la bourgeoisie qu’ils représentent tous au même titre, ou d’ébranler la dynastie dont ils sont tous également serviteurs. Dans ces compétitions, deux hommes surtout font briller leur talent, M. Guizot et M. Thiers.

M. Guizot [1] fut un grand caractère, énergique, autoritaire, un puissant esprit, étroit, dogmatique, d’une certitude sereine et inébranlable : les idées utiles à sa classe lui apparurent toujours dans une lumineuse évidence, comme la forme même de la raison ; et il ne les trouva jamais réalisées suffisamment dans la politique gouvernementale que par lui-même. Il voyait, comme par une direction providentielle, toute l’histoire européenne depuis l’invasion des barbares tendre partout, et particulièrement en France, à former, élever, éclairer, enrichir une classe moyenne : son œuvre d’historien a consisté à dessiner ce mouvement. Il estimait la religion nécessaire à l’ordre et à la conservation de la société ; elle était partie intégrante de sa raison : il voulait des Églises fortement organisées, Église catholique, Église calviniste, Église spiritualiste, excluant ou matant les têtes ardentes ou indisciplinées, les ultras de toute couleur, unies entre elles par une bonne confraternité administrative et par une coopération journalière. Ce que ce protestant estime le plus dans la religion, ce n’est pas le sentiment religieux, c’est l’Église, l’autorité, l’énergique oppres-

  1. Biographie : François-Pierre-Guillaume Guizot, né à Nîmes en 1787, protestant, élevé à Genève, professeur d’histoire moderne à la Sorbonne en 1812, suivit Louis XVIII à Gand ; conseiller d’État sous la Restauration, il reprit son cours en 1821 après la chute du ministère Decazes ; ce cours fat suspendu de 1822 à 1828. Après la révolution de 1830, Guizot fut ministre de l’intérieur (1830), de l’instruction publique (1832-1834, 1834-1836, 1836-1837), ambassadeur en Angleterre (1840), ministre des affaires étrangères (1840-1848). Sa carrière politique fut terminée en 1848 : il écrivit quelques brochures sur la situation de 1849 à 1852. Puis il reprit ses travaux littéraires, qui l’occupèrent jusqu’à sa mort (1874), avec le gouvernement de l’église calviniste française, où il se montra sévèrement orthodoxe. — Il épousa en 1812 Pauline de Meulan (1773-1827), en 1828 Mlle  Dillon (1804-1833), nièce de sa première femme.

    Éditions : Pour l’œuvre historique de Guizot, cf. p. 1000. Nouveau Dictionnaire des synonymes français, 1809, 2 vol. in-8. Vies des poètes français du siècle de Louis XIV, t. I, 1813, in-8 (devenu en 1852 Corneille et son temps, in-8). Du gouvernement représentatif et de l’état actuel de la France, 1816, in-8 ; Washington. 1841, in-18 ; De la démocratie en France, 1849, in-8 ; Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps, 1858-67, 8 vol. in-8 ; Discours académiques, 1861, in-8 : Histoire parlementaire de la France (discours prononcés aux Chambres de 1819 à 1848), 5 vol. in-8, 1863 ; Méditations sur l’état actuel de la religion chrétienne, 1866, in-8 ; Lettres de Guizot à sa famille et à ses amis, 1884, in-8. M. et Mme  Guizot, le Temps passé (Mélanges de critique), 1887, 2 vol. in-12. — À consulter : J. Simon, Thiers. Guizot, Rémusat. 1885. E. Faguet, Politiques et moralistes. A. Bardoux. Guizot, in-16, 1894