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la littérature pendant la révolution et l’empire.

« Il était laid, nous dit un contemporain [1] : sa taille ne présentait qu’un ensemble de contours massifs ; quand la vue s’attachait sur son visage, elle ne supportait qu’avec répugnance le teint gravé, olivâtre, les joues sillonnées de coutures ; l’œil s’enfonçant sous un haut sourcil,… la bouche irrégulièrement fendue ; enfin toute cette tête disproportionnée que portait une large poitrine… Sa voix n’était pas moins âpre que ses traits, et le reste d’une accentuation méridionale l’affectait encore ; mais il élevait cette voix, d’abord traînante et entrecoupée, peu à peu soutenue par les inflexions de l’esprit et du savoir, et tout à coup montait avec une souple mobilité au ton plein, varié, majestueux des pensées que développait son zèle. » Et Lemercier nous montre « les gestes prononcés et rares, le port altier » de Mirabeau, « le feu de ses regards, le tressaillement des muscles de son front, de sa face émue et pantelante ». À travers le barbouillage du style, il nous fait bien voir l’orateur.

Mirabeau avait l’éloquence qui enlève les foules et les assemblées, les puissants mouvements, les amples phrases, l’élan imprévu et impérieux : il était superbe pour menacer ou maudire. Ses répliques foudroyantes, ses adjurations pressantes fleurissent toutes les anthologies. À vrai dire, il y a dans ces grands effets, à notre goût, un peu d’emphase, un geste trop magnifique, trop de son ; c’était le goût du temps. Mirabeau y a donné complaisamment, et dans les théâtrales banalités dont la pauvre antiquité faisait les frais, la poussière de Marius, Catilina aux portes : c’était là que jadis on admirait le grand orateur. Heureusement il a d’autres mérites pour se faire estimer : il a la logique serrée, vigoureuse, sophistique parfois avec un air de franchise, toujours sûre et saisissant en tout sujet les arguments essentiels ou les preuves efficaces. Il est de ceux qui savent voir les faits, et les présentent : s’il raisonne souvent sur la théorie et les principes, c’est la nécessité du temps qui l’y force ; l’assemblée travaille, et il travaille avec elle à établir une constitution en France. Ses discours sont substantiels, solides, faits véritablement pour instruire ceux qui les entendent. Il faut se défier de l’orateur, mais on peut apprendre du publiciste. Il drape son éloquence sur d’excellents mémoires, très précis et très nourris.

Ces mémoires n’ont pas toujours été préparés par lui. Il joignait à ses grands dons celui de savoir utiliser le travail d’autrui. Tous ses ouvrages sont remplis de pages simplement transcrites de quelque livre. Dans un de ses plaidoyers contre sa femme, il introduisait de belles phrases émues, qui étaient d’un sermon de

  1. N. Lemercier, Du second théâtre français.