CHAPITRE IV
LE PATRIARCHE DE FERNEY
Nous avons laissé[1] Voltaire s’installant aux Délices (1755). Il y est à peine depuis quelques mois que sa Pucelle s’imprime et court le monde. Voltaire s’effare, écrit à tous ses amis, à l’Académie française : mais rien ne menace même son repos, il se rassure ; et cette alerte lui fait comprendre tous les avantages de la position. Dans quelques années (1762), il n’hésitera pas à imprimer lui-même, à Genève, sous ses yeux, en y mettant son nom, cette scandaleuse et dangereuse Pucelle, tenue sous cent clefs par Mme du Châtelet. En attendant, il lâche son Essai sur les mœurs complété, renforcé, définitif (1756), et ses discours sur la Religion naturelle (1756) ; deux autres coups droits atteignaient la Providence chrétienne, à travers l’optimisme de Leibniz : le poème du Désastre de Lisbonne (1756), et le roman de Candide (1759).
Il se sentait gardé du côté de la France. Mais l’orage vint de Genève. Genève était restée la ville de la Réforme ; le maintien de l’austérité morale y était affaire de gouvernement. Voltaire établi aux portes de la cité de Calvin, conviant les citoyens à s’amuser chez lui, leur jouant la comédie, la leur faisant jouer, quand Genève ne tolérait pas encore de théâtre : il y avait là de quoi
- ↑ Pour la bibliographie, cf. p. 688.