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les tempéraments et les idées.

phique où l’impression des apparences s’accompagne d’une intuition de la force invisible, éternelle, qui s’y manifeste selon des lois immuables, où le spectacle de l’ordre actuel évoque par un mélancolique retour les vagues et troublantes images des époques lointaines dont le débris et la ruine ont été la condition de notre existence. Par Buffon, la description de la nature, qui n’était qu’un thème pittoresque, pourra devenir un thème lyrique.

Et cependant, cet homme qui voyait d’une si puissante imagination les transformations anciennes de l’univers, retombait étrangement dans les idées et dans les regards de son siècle, quand il regardait l’état actuel de la nature. Il faisait de l’utilité sociale, du goût contemporain, la mesure de tout bien et de toute beauté. Tout ce qui ne servait pas aux commodités de l’homme lui répugnait : il ne voyait que laideur où la nature s’étalait en sa primitive et sauvage simplicité. Il préférait le champ à la savane et le jardin à la forêt. Le châtelain de Montbard n’aimait pas la terre improductive, qui ne donne pas de revenu, ni la vie désordonnée, dont l’épanouissement n’est pas réglé par la géométrie de l’esprit humain : il avait, je l’ai dit, la passion de l’ordre. Peut-être est-il mieux qu’il ait été ainsi : autre, son siècle l’eût moins goûté.