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comédie et drame.

s’éveille… Une petite fileuse se détache du groupe, et danse une fileuse, tandis que les autres exécutent tout ce qui se pratique dans une veillée de village [1]. »

Cette mise en scène de la vie rustique n’est-elle pas caractéristique en sa minutie ? L’opéra-comique, à son heure, satisfit le goût du public pour la précision du décor et du costume ; eu le satisfaisant, il le fortifia et l’excita.

Quand l’Opéra-Comique fut réuni à la Comédie-Italienne, quand Duni, Grétry, Monsigny eurent transformé le genre en développant la partie musicale, quand il devint ce que nous l’avons vu en notre siècle, les théâtres des boulevards, qui avaient remplacé les scènes de la Foire, ressuscitèrent le primitif et populaire opéra-comique dans le vaudeville à couplets, qui demeura je n’ose dire un genre littéraire, mais enfin ne devint pas un genre musical.


4. COMÉDIE SATIRIQUE.


Revenons à la comédie sans épithète, au genre de Molière, de Lesage et de Dancourt. Comme il est naturel, la création de la comédie larmoyante, en séparant les éléments hétérogènes qui y étaient contenus antérieurement, la rétablit dans la pureté de sa définition. Destouches, qui avait fait le Glorieux, protesta que le rire était l’effet unique et nécessaire de la comédie. Piron maudit le genre sérieux en y revendiquant sa part de paternité : il écrivit sa Métromanie (1738), peinture trop chargée d’un travers trop spécial, et dont vraiment on a fort exagéré l’agrément.

Après Destouches, il ne faut plus parler de la comédie de caractère. La comédie plaisante se renferme dans la peinture des ridicules mondains : cette peinture est à l’ordinaire sans largeur et sans couleur, sèche, fine, spirituelle. C’est moins une représentation sensible de la vie, qu’une analyse piquée d’épigrammes. De là l’agrément et la froideur de ces pièces. La froideur domine dans les grandes comédies. Le Méchant même de Gresset [2] n’en est pas exempt : c’est une piquante satire d’un caractère mondain, de l’homme à bonnes fortunes du milieu du siècle, égoïste, persifleur, se faisant un jeu, par « noirceur », de diffamer et compromettre les femmes. Il ne manque à cet ouvrage finement écrit que la puissance dramatique.

  1. La Fileuse, parodie d’Omphale (1752), Œuvres de Vadé, Troyes, an VI, 6 vol. in-12.
  2. J.-B. Gresset, né à Amiens en 1709, auteur de Ver-vert (1733), de Sidney, drame moral, et du Méchant (1745) ; il mourut en 1777. Œuvres, Paris, Lecointe, 1829, 2 vol. in-12. — À consulter : E. Vogue, Gresset, 1894.