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les formes d’art.

parfaites. Piron y est d’une bouffonnerie saisissante avec un grain de fantaisie délicieux : Voltaire y porte une justesse aiguë de pensée et d’expression. Mais l’artiste supérieur en cette bagatelle, c’est Lebrun, le faiseur d’odes, celui qu’on appelait Lebrun Pindare. Il a une âpreté qui donne du sérieux à l’épigramme ; et par la sûreté des applications, par la nerveuse perfection de la forme, il a su agrandir ce jeu d’esprit : il en a fait un appareil de condensation de la critique littéraire ; ses meilleures pièces sont comme des extraits concentrés et mortels. La Harpe en a su quelque chose.

Il y a donc de quoi lire, et où se plaire dans les ouvrages en vers du xviiie siècle. Mais aucune œuvre ne compte dans l’histoire de la pensée ; et cela est grave, en un siècle où la pensée est tout ; surtout, il manque à cette poésie d’être poétique. Il faut franchir tout le siècle : nous verrons reparaître inopinément la poésie et l’art, avec André Chénier.