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les origines du dix-huitième siècle.

l’homme n’a pas besoin qu’on lui en fournisse des causes : il est par lui-même un animal suffisamment féroce et indisciplinable.

Le dictionnaire de Bayle fut un des livres essentiels du xviiie siècle ; il fit les délices de Voltaire, de Frédéric II, de tous les incrédules ; c’est le magasin d’où sortit presque toute l’érudition philosophique, historique, philologique, théologique, dont les philosophes s’armèrent contre l’Église et la religion. Ils n’eurent qu’à choisir, aiguiser et polir. Avec l’indigeste, substantielle, et copieuse pâte que leur fournissait Bayle, ils firent ce qu’on appela en ce temps-là « les petits pâtés chauds de Berlin » ; ils découpèrent dans les effrayants et peu maniables in-folio de petits livres portatifs, amusants, lus de tout le monde.

Ainsi des trois courants, scepticisme mondain, rationalisme scientifique, et critique érudite, se forma un courant unique, qui fut irrésistible.