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les grands artistes classiques.

rable dégénérescence de l’éloquence religieuse trouve son expression parfaite dans l’abbé Maury, le plus fleuri, le plus harmonieux, le plus froid, le plus vide et ie moins sincère des orateurs que, par habitude, on continue d’appeler chrétiens : Maury est à Bossuet ce que Fontanes est à Racine.


7. LES PROTESTANTS.


Je n’ai parlé, dans ce chapitre, que de la prédication catholique. Après Calvin, Bèze et Viret, les protestants ont continué d’avoir de bons, d’utiles prédicateurs [1] : dans la première partie du siècle, Dumoulin, Le Faucheur, Mestrezat, Daillé, Dalincourt ; à l’époque de la Révocation, Claude, Du Bosc, Superville. Mais, en général, les protestants méprisent l’art et s’en défient. Puis ils sont logiciens, controversistes, plutôt qu’orateurs ; la théologie déborde dans leurs discours en arides dissertations, en polémiques ardues.

Le grand orateur du calvinisme est Jacques Saurin, qui, consacré pasteur en 1700, prêcha en Angleterre et en Hollande. Il se fit une immense réputation. Il voulut être éloquent, et il l’a été souvent. Profitant des exemples des prédicateurs catholiques, et surtout de ceux de Bossuet, il renonça aux explications dogmatiques de textes suivis pas à pas, et détaillés phrase par phrase. Il construisit ses sermons sur une seule idée, dont il développait les divers aspects. Théologien solide, discutant et démontrant le dogme avec érudition, il s’étendait surtout sur la morale ; fin et pénétrant dans ses analyses, rude, tendre, pressant dans ses exhortations. Son discours est logique, serré, clair, un peu trop orné de littérature profane, de réminiscences historiques et mythologiques, nourri de philosophie. Saurin s’étudie et réussit à être pathétique. La sincérité de son zèle et de sa charité unit, fond tous ces éléments, et maintient la simplicité dans cette éloquence que l’on sent un peu lourdement voulue. Le style reste terne et pâteux, parfois négligé et inexact : moins vif, moins spirituel, moins coloré ou brûlant que l’idée. En somme, Saurin fait honneur à l’Église française de Hollande.

  1. À consulter : A. Vinet, Histoire de la prédication parmi les réformés de France au xviie siècle, Paris, in-8. 1860. E.-A. Berthault, J. Saurin et la prédication protestante, Paris. in-8. 1875.