sans interruption aucune depuis Adam jusqu’à Innocent XI : cet exposé chronologique est un résumé de toute la théologie de Bossuet ; il y ramasse les principaux arguments qu’un catholique peut faire valoir contre les libertins, les juifs, les protestants et les critiques : c’est un cours élémentaire de théologie à l’usage du Dauphin et des gens du monde.
La même providence qui se manifeste dans la continuité de la religion fait éclater aussi son action dans l’élévation et dans la chute des empires : voilà comment s’introduit la troisième partie. Entre la préface et la conclusion de cette partie, où s’étale éloquemment le dogme de la Providence dans son application aux grands faits de l’histoire, Bossuet étudie les causes humaines et physiques de la prospérité et de la ruine des peuples anciens. Comment peut-il le faire sans contradiction ? Simplement par la même raison que son orthodoxie laisse à l’homme le libre arbitre, la décision et la responsabilité de ses actes, tout en proclamant la nécessité de la grâce et la prescience divine. Les cinq ou six chapitres que Bossuet consacre à la philosophie de l’histoire ancienne sont vraiment beaux. Il va sans dire qu’ils ne sont plus au courant de la science. On ignorait trop au xviie siècle l’Égypte, la Chaldée, l’Assyrie, la Perse, pour que Bossuet pût en bien parler. L’archéologie grecque et romaine, l’étude des institutions, de l’organisation politique, sociale, économique des Spartiates, des Athéniens, des Romains, ont fait bien des progrès aussi, surtout depuis cent ans. Mais, malgré tout, les chapitres de la Grèce et de Borne sont remarquables : Bossuet a mis en lumière la force de quelques causes morales, amour de la patrie, respect de la loi ; il a saisi le rapport des faits à certaines institutions ou traditions ; il a expliqué la lente et sûre formation de la grandeur romaine par les qualités d’endurance et de discipline de la race, par l’organisation militaire, par l’esprit conservateur du sénat qui, dans la politique étrangère, met la continuité ; la moitié des Considérations de Montesquieu vient de Bossuet. Chose curieuse, ce que ce prêtre a le moins vu, c’est la force et l’influence de la religion dans la société antique ; mais personne, avant Fustel de Coulanges, ne le verra davantage.
Le Discours sur l’Histoire universelle est l’œuvre d’un théologien qui a su avoir quelques-unes des qualités de l’historien, le don des généralisations, l’intuition des lois, le sens philosophique enfin. L’Histoire des variations des Églises protestantes est un traité de controverse, où se révèlent d’autres qualités de l’historien, la science et la critique des textes, le sens de la vie et des âmes individuelles. Cette histoire représente le principal effort de Bossuet dans la guerre d’un demi-siècle qu’il a faite au protestantisme