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bossuet.

ne pouvoir plus admirer ou aimer. Lorsqu’il eut à faire l’éloge de la reine d’Angleterre, il lit appel aux souvenirs de Mme de Motteville, et fonda sa peinture du courage de la princesse sur les faits contenus au Mémoire, qui lui fut remis. De même, il allègue, il cite les écrits, les lettres d’Anne de Gonzague, pour nous la faire connaître telle quelle fut. Ailleurs il utilise, il invoque ses souvenirs personnels.

Mais ce qui domine et enveloppe l’instruction et la biographie, la morale et l’histoire, dans ces oraisons funèbres, c’est l’émotion personnelle de l’orateur. Aussi les plus belles sont-elles celles où il parle des gens qu’il a connus et aimés, de Madame ou du prince de Condé. Sa sympathie, son admiration, sa douleur se répandent largement, et il s’y abandonne parce que cela se trouve dans la convenance, dans la nécessité même de son sujet. Il y a un élément personnel et lyrique encore dans ces admirables discours, envers qui l’on n’est pas juste, faute de les regarder d’assez près. Et de là vient la puissance pathétique de ces effusions de tendresse douloureuse, lorsqu’il peint la grâce si charmante et si tôt flétrie de Madame, de ces effusions de sympathie admirative, lorsqu’il conte les victoires, l’héroïsme, la simplicité du prince de Condé : si ce n’est pas de l’histoire, c’est à coup sûr de la poésie.


4. ŒUVRES DIVERSES DE BOSSUET.


Comme précepteur du Dauphin, connue évêque, Bossuet a déployé une prodigieuse activité, et l’on se demande comment il a trouvé le temps d’expliquer, à plus forte raison d’étudier tant de matières, vastes et difficiles. Mais, en réalité, il était prêt, dès 1670, sur tous les sujets qui pouvaient être de son ressort : il s’était préparé en prêchant. En méditant ses sermons, il avait amassé toute la doctrine, dont il composa plus tard ses nombreux traités. On trouve des sermons qui contiennent sommairement l’Histoire universelle, d’autres les Variations, d’autres la Politique ; ils fournissent les cadres, la méthode, les idées capitales ou originales. Philosophie, histoire, controverse, tout a sa source dans la prédication de Bossuet.

La Politique tirée de l’Écriture sainte est un livre solide, sensé, d’une réelle largeur de vues. Bossuet n’allègue guère que l’Écriture pour autoriser ses préceptes ; en fait, il tire quelque chose de saint Thomas, dans son De regimine principum ; il s’inspire plus encore d’Aristote et de Hobbes ; souvent il dégage des lois de l’étude des faits, et il utilise les observations qu’il a faites en expliquant au Dau-