CHAPITRE VI
BOSSUET ET BOURDALOUE
Il n’y a pas eu d’éloquence politique au xviie siècle. Notre forme de gouvernement n’en permettait pas le développement, comme l’a fait justement remarquer Fénelon ; aussi nulle tradition ne put s’établir ; et les rares discours que l’on a recueillis, dans les temps où la faiblesse du pouvoir royal, sous les deux régences, permit la libre et publique discussion des affaires publiques, sont des accidents sans conséquence, des œuvres isolées et sans lien, où l’on n’aperçoit pas un art de la parole. Les harangues du Parlement, prononcées à l’époque de la Fronde, celles par exemple de l’avocat général Talon, ont la marche et le style des plaidoyers ; on sent que ceux qui parlent ont pour principale et ordinaire fonction l’administration de la justice. Ainsi le rapport nécessaire est renversé chez nous entre les deux éloquences, judiciaire et politique : au lieu de celle-ci, c’est celle-là qui donne le ton[1].
Or l’éloquence judiciaire ne peut s’élever — c’est un fait — que dans les pays où une grande éloquence politique s’est développée. Ce n’est qu’à l’éloquence politique que l’éloquence judiciaire peut emprunter une certaine manière large, lumineuse et populaire de
- ↑ Recueil choisi des harangues, remonstrances, panégyriques, plaidoyers, et autres actions publiques les plus curieuses de ce temps, Paris, G. de Luynes, in-4, 1657.
À consulter: Aubertin, l’Éloquence politique et parlementaire en France avant 1789, Paris, Belin, in-8, 1882.