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Pascal donne à Port-Royal un esprit tout laïque, formé aux méthodes et imbu des notions de la science et de la philosophie, assez ignorant de la théologie : de son Entretien avec M. de Saci, il résultera qu’au moment d’entreprendre ses rudes campagnes contre l’erreur et l’incrédulité, ce défenseur de la foi connaît les philosophes, et n’a pas lu les Pères de l’Église : il n’en aura jamais qu’une connaissance superficielle. Et de là même sa puissance sur le monde laïque : idées, méthode, style, tout en lui est du savant et de l’honnête homme, rien du théologien.

En 1655, un curé ayant refusé l’absolution au duc de Liancourt, parce qu’il avait sa petite fille à Port-Royal, Arnauld écrivit sur ce refus deux lettres qui irritèrent les ennemis du jansénisme, et furent menacées d’une censure en Sorbonne. Le parti se résolut alors à en appeler au sens commun, à l’équité naturelle du public, et Arnauld, ne se sentant pas le talent qu’il fallait pour cette entreprise, engagea Pascal à la tenter : du 23 janvier 1656 au 24 mars 1657, dix-huit lettres parurent, anonymes, imprimées clandestinement, bravant toutes les fureurs de l’ennemi qu’elles écrasaient. On les réunit ensuite sous le titre de Lettres de Louis de Montalte à un Provincial de ses amis et aux R. R. P. P. Jésuites sur la morale et la politique de ces Pères. L’exaltation de Pascal pendant cette polémique est incroyable. Il reçut une grande joie quand sa nièce, la petite Marguerite Périer, fut guérie miraculeusement au contact d’une relique conservée à Port-Royal, une épine de la couronne de Jésus-Christ : ce miracle, tombant au cours de ses démêlés avec les jésuites, lui apparut comme une manifeste approbation de Dieu. Et vers le même temps, sur de sa vérité, il jetait durement, cruellement, dans le cloître Mlle  de Roannez, une pauvre et faible âme que son impérieuse direction brisa.

Il conçut ensuite le projet d’une Apologie de la Religion chrétienne, telle, bien entendu, que la définissait le jansénisme. Il y travailla tant qu’il put, au milieu de souffrances aiguës : la maladie maintenant ne le laissait plus. Mais il avait conquis le bonheur avec la vérité : il était serein et souriant. Il se savait au nombre des élus : il écrivait l’étrange et admirable Mystère de Jésus. Ses souffrances même étaient un signe de son élection : il les redoublait, croyant aider à la grâce et collaborer à la miséricorde de Jésus. Il s’ingénia à s’inventer des souffrances, des gênes : il persécuta son pauvre corps avec des raffinements incroyables de dureté. Il mourut le 19 août 1662.

Ce fut une fière nature, à l’énergie indomptable, aux passions de flamme, d’un amour-propre ardent, qui put bien s’épurer, mais non pas s’éteindre par la foi, d’une personnalité impérieuse, qui le fit intraitable à se conserver l’honneur de ses recherches scientifi-