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la préparation des chefs-d'œuvre.

français et italiens, qui sont des modèles de beau langage. Ici encore apparaît l’effort pour discipliner la grossière nature. Lorsque cette nature sera tout à fait polie, alors, mais alors seulement, la perfection du langage pourra consister dans le simple naturel. Au moment où nous sommes arrivés, le monde en est à prendre les habitudes qui plus tard seront nature, qui ne sont encore que contrainte : d’où l’étude et l’apprêt dans les façons de penser et de parler.


2. L’ACADÉMIE FRANÇAISE ET LE DICTIONNAIRE.


En 1626[1] plusieurs écrivains et amateurs de lettres se réunissaient souvent chez Valentin Conrart, homme très considéré, protestant, érudit, bel esprit, et riche : Gombauld, Godeau, Malleville, les deux Habert, d’autres encore. Le bruit de ces doctes entretiens se répandit ; en 1629, Richelieu fit offrir à la société de lui donner sa protection et une existence officielle. On hésita, mais comme, en refusant, on n’aurait pu dire la raison du refus, on accepta. La nouvelle compagnie compta 27 membres, auxquels furent adjoints bientôt sept autres, dont Balzac, Voiture et Vaugelas. Elle songea à se nommer Académie des beaux esprits, ou Académie de l’éloquence, ou Académie éminente, et finit par s’appeler du meilleur et du plus simple nom : Académie française. La première séance fut celle du 13 mars 1634 : le Parlement, inquiet et jaloux de la constitution d’un nouveau corps, dont il ne concevait pas nettement les attributions, refusa pendant longtemps d’enregistrer les lettres patentes qui établissaient l’Académie ; il ne céda qu’au bout de trois ans, le 10 juillet 1637. L’usage des harangues de réception fut inauguré en 1640 par Patru. Dès le début, le nombre des académiciens avait été porté de 34 à 40, où il est encore aujourd’hui fixé. Si l’on parcourt la liste des quarante membres [2] qui composèrent la Compagnie à l’origine, on verra aisément que tous ne sont pas des écrivains, et que la primitive Académie est peut-être moins une institution destinée à honorer le mérite litté-

  1. À consulter : Pellisson et d’Olivet, Histoire de l’Académie française, édit. Ch. Livet, 2 vol. in-8, Paris, Didier, 1838 ; H. Kerviler, la Bretagne à l’Académie française au xviie siècle, in-8, 1879. Les Registres de l’Académie française (1672-1793). Paris. Didot, 3 v. in-8, 1895.
  2. Les quarante premiers académiciens furent : Godeau, Gombauld, Chapelain, les deux Habert, Conrart, Serizay, Malleville, Faret, Desmarets, Boisrobert, Bautru, les deux Du Chastelet, Silhon, Sirmond, Bourzeys, Meziriac, Maynard, Colletet, Gomberville, Saint-Amand, Colomby, Baudoin, l’Estoile, de Porchères, Baro, Racan, Servien, Balzac, Bardin, Boissat, Vaugelas, Voiture, Laugier, Montmort, La Chambre, Seguier, Giry, Granier.